
Un après la dernière tuerie de Merah, les toulousains ont rendu hommage aux victimes du tueur ce dimanche. Plusieurs milliers de personnes ont marché pour dire non à la haine et à l’intolérance. La cérémonie s’est terminée par un discours de François Hollande. Le président de la République a indiqué vouloir faire toute la vérité sur cette affaire. Hollande s’est dit déterminé à lutter contre le terrorisme.
L’écrivain Marek Halter était présent à Toulouse accompagné de plusieurs Imams. Tout un symbole pour dire non à la haine au nom d’une réligion. Et surtout se souvenir des victimes de Mohamed Merah. La marche blanche organisée par la mairie de Toulouse a réuni plusieurs milliers de Toulousains et Montalbanais entre la place Saint Etienne et le square Charles de Gaulle. De nombreux élus de droite comme de gauche étaient présents. Et une foule d’anonymes. Dans la dignité et l’émotion.
Arrivé square de Gaulle, le cortège s’est réuni pour écouter des jeunes toulousains dire le célèbre poème de Rudyard Kipling « if ». Dans une forte émotion, le maire de Toulouse Pierre Cohen a dit, dans ces circonstances, toute la force de la laïcité à la française. Au nom de la France, François Hollande a d’abord rendu hommage aux victimes de Merah : Imad Ibn Ziaten, Abel Chennouf, Mohamed Farah Chamse-Dine Legouad, Abel Chennouf, Myriam Monsonego ,Jonathan Sandler, Arieh Sandler et Gabriel Sandler. Le président de la République a dit toute sa volonté de lutter contre l’idéologie de la haine, l’antisémitisme, le terrorisme. En France, sur internet, mais aussi à l’étranger, comme au Mali.
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Discours du président de la République, François Hollande prononcé à Toulouse le 17 mars 2013 en Hommage aux victimes de Toulouse et Montauban
Monsieur le maire de Toulouse, je vous remercie d’avoir organisé cette
cérémonie.
Je veux saluer toutes les hautes personnalités qui sont ici présentes, le président du
Sénat mais également mesdames et messieurs les ministres, Mesdames et Messieurs
les parlementaires élus de la région, monsieur le Défenseur des droits, mesdames et
messieurs les représentants des cultes, vous avez tenu à être ici, à Toulouse,
aujourd’hui. Car il y a un an, l’équipée meurtrière d’un homme inspiré par la haine
saisissait d’effroi la France entière. Cette équipée commençait le 11 mars ici, à
Toulouse.
Imad IBN ZIATEN, le maréchal des logis chef du 1er régiment du train parachutiste
était froidement abattu, après être tombé dans un piège diabolique.
4 jours plus tard, le 15 mars à Montauban, Abel CHENNOUF et Mohamed
LEGOUAD, 2 militaires du 17e
régiment du génie parachutiste étaient lâchement
assassinés.
Le caporal chef Loïc LIBERT échappait comme par miracle à la mort, mais il reste
aujourd’hui gravement handicapé.
Le 19 mars, l’horreur frappait à la porte de l’école Ozar Hatorah de Toulouse. Le
rabbin Jonathan SANDLER, ses 2 fils, Gabriel 3 ans, Arieh 6 ans ainsi que Myriam
MONSONEGO 8 ans, la fille du directeur de l’école, étaient massacrés. Bryan
BIJAOUI 15 ans, en voulant protéger la petite Myriam, était lui grièvement blessé.
En cet instant solennel encore douloureux, je veux dire aux familles endeuillées que
la France est toujours et encore à leurs côtés, qu’elle est rassemblée au-delà des
différences comme elle l’était déjà il y a un an autour du président SARKOZY. Nous
étions alors en pleine campagne présidentielle. Elle s’était arrêtée. Toutes les
sensibilités politiques républicaines, toutes les confessions religieuses, toutes les
écoles de pensée s’étaient alors retrouvées pour exprimer leur compassion mais aussi
leur détermination face au terrorisme.
Encore aujourd’hui, un an plus tard, les mêmes sont là pour témoigner de leur
solidarité et de leur unité. Car c’est la meilleure des réponses, la plus forte, la plus
solide face au terrorisme. Car à Montauban, à Toulouse, c’est la France qui a été
agressée. En tuant des soldats, en s’en prenant à des enfants dans une école, c’est la République que l’on a voulu frapper en son cœur.
La République, elle a tenu bon et la France, elle a surmonté l’épreuve, car la
démocratie, elle, est toujours plus forte que le fanatisme et nos valeurs ne plient
jamais devant le malheur, et c’est ce que les familles ont démontré.
Je pense d’abord à madame IBN ZIATEN qui, depuis la mort de son fils avec une
force d’âme remarquable, sillonne les quartiers de nos cités à la rencontre des jeunes.
Elle leur transmet, avec ses mots, un message de confiance et de dignité.
Je salue aussi le combat des familles CHENNOUF et LEGOUAD pour que les
soldats victimes du terrorisme puissent être reconnus comme morts pour le service de
la nation. Ce qui fut fait avec la loi du 21 décembre 2012. Elle permettra l’inscription
de leurs noms sur les monuments des communes choisies par leur famille, pour que
jamais la France ne les oublie.
Cette semaine encore, ces 3 militaires ont été décorés à titre posthume de la Légion
d’honneur, j’y ai veillé tout particulièrement. Et Loïc LIBERT s’est vu décerner la
médaille militaire.
Je veux aussi repenser à ces parents de l’école OHR TORAH. J’y étais revenu le 1er
novembre en compagnie du Premier ministre israélien, pour dire combien nous étions
encore et toujours endeuillés ; et en même temps que nous considérions que la
réponse des parents était la plus belle qui soit en mémoire des enfants disparus, de
faire encore confiance à l’école pour qu’elle poursuive son œuvre et pour que le
renoncement ne soit pas la victoire posthume du terroriste. Merci aux parents de faire
confiance en l’école et, donc, en la France.
Ce qui a frappé à Toulouse, c’est un mal terrible, il a un nom et il doit être prononcé,
c’est l’antisémitisme, ce fléau qui remonte à loin, qui s’est toujours nourri du
mensonge et qui a conduit – il y a 70 ans, c’est hier – au pire de tous les crimes
commis par l’humanité contre elle-même, la Shoah. Cet immense cataclysme aurait
dû anéantir, non pas les victimes mais l’antisémitisme, le rendre impossible,
inconcevable, inexplicable à tout jamais. Et pourtant, on a recommencé à tuer des
juifs parce que juifs, car les enfants de Toulouse sont morts pour la même raison que
ceux du Vel’ d’Hiv ou de Drancy parce qu’ils étaient juifs. Les paroles et les actes
antisémites auraient pu cesser depuis Toulouse, et pourtant nous en faisons le constat
et il est cruel, il y en a encore et même de plus en plus nombreux. Et chaque fait est
encore plus odieux, plus scandaleux, chaque fois qu’un juif est insulté, c’est un
outrage qui est fait à tout notre pays.
J’ai demandé au Premier ministre de réunir le mois dernier un comité interministériel
de lutte contre le racisme et l’antisémitisme, pour marquer notre détermination et
surtout affirmer que l’Etat sera vigilant et la justice implacable par rapport à ces faits.
Rien ne doit être considéré en cette matière comme anodin ou insignifiant. J’ai donc
voulu que des mesures soient prises pour lutter contre la diffusion des messages de
haine sur internet, en particulier sur les réseaux sociaux. Les tribunaux les ont
condamnés à transmettre les données permettant l’identification des auteurs de
messages antisémites. Et je veillerai à les contraindre – ces réseaux – à fournir ces
noms pour qu’il y ait dissuasion et répression. L’espace de liberté qu’est internet ne
doit en aucun cas être utilisé à des fins de propagande de haine.
A Montauban, à Toulouse il y a un an, c’est le terrorisme qui a montré son visage, le
terrorisme, cette brutalité lâche qui s’en prend toujours aux plus faibles ; le
terrorisme, cette violence aveugle qui tue toujours des innocents ; le terrorisme, cette
froide ignominie qui sacrifie toujours des enfants. La lutte contre le terrorisme ne
suppose aucun relâchement, aucune faiblesse, aucune négligence. Je sais la question
qui a été posée au lendemain de Toulouse, cette tragédie aurait-elle pu être évitée ?
MERAH a-t-il agi seul ou était-il membre d’un réseau plus vaste ? Cette question, cette interrogation continue d’être posée. Et la réponse, nous ne la devons pas
seulement aux familles mais à la France toute entière. Cette réponse leur sera donnée.
Je m’en porte garant.
Une enquête est aujourd’hui conduite par la justice pour connaître exactement les
faits, déterminer les responsabilités, rechercher les éventuelles complicités. Les
magistrats mènent de nombreuses investigations avec diligence, car nous devons
savoir qui a financé les voyages de Merah, qui a contrôlé sa formation et avec quelle
influence exacte il est arrivé à ces actes criminels. Les pouvoirs publics apporteront
tout leur concours à cette instruction. De même nous devons tout savoir des éventuels
dysfonctionnements des services concernés dans cette période.
Avec le ministre de l’Intérieur, j’ai voulu procéder aux premières corrections. Une
réorganisation interne du Renseignement a été mise en œuvre. L’objectif est de
renforcer le lien entre tous les services, services territoriaux, services centraux,
l’information sera croisée, recoupée autant qu’il sera nécessaire, partagée. La relation
entre la justice et la police sera simplifiée, coordonnée. Aucune information ne doit
être perdue, aucune piste ne doit être écartée, aucune surveillance ne doit être oubliée.
Ces dispositions que je rappelle ne remettent nullement en cause la qualité, le
dévouement des fonctionnaires qui agissent pour la sécurité de nos concitoyens, au
contraire : elles doivent leur permettre d’accroître encore l’efficacité de leurs services.
Mais nous devons également réfléchir aux mutations, aux évolutions, aux formes
nouvelles du terrorisme. Le parcours du tueur est une succession dramatique de
rencontres avec l’islamisme radical, à l’étranger, sur internet, et en prison. Et c’est
pourquoi le gouvernement a présenté un projet de loi, qui est maintenant devenu la loi
de la République, adoptée, je le signale, à l’unanimité du Parlement, pour renforcer
l’efficacité de la lutte anti-terroriste. Cette loi permet maintenant de poursuivre et de
faire condamner les ressortissants français qui participent, à travers le monde, à un
acte terroriste ou à une association de malfaiteurs, même s’ils n’ont pas commis de
délit ou de crime en France. Ils seront jugés et condamnés.
La loi prolonge l’accès des services de renseignements à toutes les données
techniques recueillies lors de l’accès à internet, car nous devons maintenant, je le
disais, lutter contre cette forme de cyber-terrorisme. Mais, Mesdames et Messieurs,
tirer les leçons de Toulouse, de Montauban, ce n’est pas seulement connaître la vérité,
poser de nouvelles règles, voter de nouvelles lois ; tirer les leçons, c’est agir. Depuis
un an, des individus cherchant à rejoindre des zones de combat ont été interpellés
dans notre pays. Des prêcheurs qui appelaient au fondamentalisme ont été expulsés,
leurs avoirs financiers gelés. Plusieurs cellules terroristes ont été démantelées, sous
l’autorité de la justice. L’automne dernier, après un attentat à Sarcelles, un groupe a
été mis hors d’état de nuire. La semaine dernière, à Marignane, une sinistre équipe
qui préparait des attentats imminents sur le sol français, a été également arrêtée.
Les services de renseignements, les forces de police font preuve d’un savoir-faire
remarquable. Et je tiens à leur exprimer ici, en votre nom, toute notre gratitude. Cette
lutte de tous les jours, nous la mènerons conformément à nos valeurs : celles de la
République. Et au premier rang desquelles – le maire de Toulouse y revenait – la
laïcité, qui est, je le rappelle, le respect des croyances, de toutes les croyances. Et je
salue une nouvelle fois tous les représentants des cultes qui sont ici, solidaires, unis,
pour défendre la laïcité et le respect des croyances, ensemble ! Et en aucun cas, nos
compatriotes musulmans ne doivent être confondus avec ceux qui caricaturent
l’islam, en développant une lecture radicale. Dans cet esprit, l’effort doit être
commun : celui de la Nation, à travers l’éducation, la transmission de l’histoire, celle
des civilisations, celle des religions. Et ce sera l’objet de la loi sur la refondation de
l’école, parce que nous devons permettre à nos jeunes concitoyens de se sentir pleinement français, et de leur dire que leur pays a besoin d’eux !
Mais nous devons aussi mobiliser toutes les forces spirituelles, les forces vives de la
Nation, parce que chacun, chacune, a à faire un effort de compréhension, de lucidité,
mais également de combat contre les thèses du fondamentalisme, ou de l’islamisme
radical, ou de tout autre extrémisme qui vient à développer le langage de la haine, et à
considérer que l’autre serait un danger, au sein même de la République. Et contre
ceux qui par la force veulent nous agresser, et il y en a – et, c’est cruel de le dire, ici
même –, les démocraties doivent savoir utiliser leurs propres forces, sur notre sol,
mais aussi partout dans le monde. Car la lutte contre le terrorisme est globale.
C’est la raison pour laquelle la France fait son devoir au Mali, au nom de la
communauté internationale, en engageant son armée, à côté des troupes africaines,
pour combattre les groupes terroristes qui menacent l’ensemble du pays, le Mali, mais
également l’Afrique de l’Ouest, et au-delà de l’Afrique de l’Ouest, l’Europe tout
entière ! Laisser le Mali tomber dans les mains de ces groupes, c’était ouvrir de
nouvelles filières de recrutement, comme il en existe en Afghanistan, au Pakistan, et
même en Syrie. C’était laisser s’organiser un sanctuaire terroriste, laisser soumettre
un peuple, asservir des femmes, détruire des édifices inscrits au Patrimoine de
l’Humanité. C’était exposer notre pays, aussi, sur notre propre sol.
Cette lutte est menée avec courage par l’armée française. Elle en paye un lourd tribut.
Hier, un cinquième soldat français est mort. Il mérite, comme ses camarades,
l’hommage de toute la Nation, car il défendait non seulement l’idéal qui est le nôtre,
mais participait à la libération d’un pays ami, et à la lutte pour une cause qui est celle
de toute la communauté internationale. Je pense à sa famille, et notamment à sa
conjointe, enceinte.
Ce matin, à Toulouse, nous ne faisons pas seulement preuve de fidélité : fidélité aux
victimes, fidélité aux familles, fidélité aux villes endeuillées. Non, nous faisons bien
plus que cela. J’en remercie les enfants et ceux qui ont marché. Nous faisons un acte
de volonté : volonté de répondre, volonté de comprendre comment un Français – oui,
un Français –, né ici, qui a grandi ici, a pu devenir un terroriste capable de tuer
d’autres Français, et même des enfants. Oui, nous voulons comprendre, pour
éradiquer ce mal terrible ! Volonté de surmonter aussi l’épreuve, ensemble, tous
ensemble, en sortant plus forts, plus lucides que nous ne l’étions avant Toulouse et
Montauban.
Volonté, enfin, que de telles atrocités ne puissent plus jamais être commises. Mais en
sommes-nous sûrs ? Alors, nous devons le vouloir. Cette volonté de vivre ensemble,
dans la concorde, dans la justice, dans le respect, dans la paix : cette volonté, nous la
devons aux victimes, aux familles, aux villes de Montauban et de Toulouse. Ces villes
resteront le symbole d’une tragédie, mais aussi – et c’est le sens de notre
rassemblement d’aujourd’hui – le symbole d’une France debout, que rien ne peut
abaisser, diminuer, réduire, d’une France en mouvement, qui, je vous l’assure, ne
pourra jamais être arrêtée, divisée, ou séparée.
Cette France debout, cette France en mouvement, c’est le sens de votre marche
aujourd’hui, pour la liberté, pour la République, et pour la France