Le conseil constitutionnel censure une disposition de la loi de 1955 relative à l’état d’urgence.
Le gouvernement prépare une loi pour donner des moyens supplémentaires aux préfets dans la lutte contre le terrorisme. Au détriment du juge judiciaire indépendant du pouvoir politique. Ce projet de loi déjà très critiqué par les syndicats de magistrats et d’avocats est actuellement déposé devant le conseil d’Etat. Au lendemain de cette annonce, le conseil constitutionnel garant du respect des libertés et droits fondamentaux inscrits dans la constitution, vient de rendre une décision majeure. Un signal très clair adressé au gouvernement sur la protection des libertés individuelles et publiques, y compris dans le cadre de l’état d’urgence. Voici la décision du Conseil constitutionnel :
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 29 mars 2017 d’une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Émile L., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du 3° de l’article 5 de la loi n°55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence.
ordre public, liberté d’aller et venir et vie familiale normale
Ces dispositions donnent au préfet, lorsque l’état d’urgence est déclaré et uniquement pour des lieux situés dans la zone qu’il couvre, le pouvoir « D’interdire le séjour dans tout ou partie du département à toute personne cherchant à entraver, de quelque manière que ce soit, l’action des pouvoirs publics ».
Le Conseil constitutionnel a jugé que ces dispositions n’assurent pas une conciliation équilibrée entre, d’une part, l’objectif constitutionnel de sauvegarde de l’ordre public et, d’autre part, la liberté d’aller et de venir et le droit de mener une vie familiale normale.
En effet, en premier lieu, une interdiction de séjour peut être prononcée à l’encontre de « toute personne cherchant à entraver l’action des pouvoirs publics ». La loi ne restreint donc pas son champ d’application aux seuls troubles à l’ordre public ayant des conséquences sur le maintien de l’ordre et la sécurité en situation d’état d’urgence.
les pouvoirs des préfets
En second lieu, la latitude reconnue au préfet n’est pas encadrée : l’interdiction de séjour peut ainsi inclure le domicile, le lieu de travail de la personne visée, voire la totalité du département, et ce pour une durée qui n’est pas limitée. Le Conseil constitutionnel a estimé que la loi devait être assortie de davantage de garanties.
Le Conseil constitutionnel a, pour ces motifs, déclaré contraire à la Constitution le 3° de l’article 5 de la loi n°55-385 du 3 avril 1955. Il a toutefois reporté au 15 juillet 2017 la date de l’abrogation de ces dispositions.