« Avec Robert Sabatier disparaît un enfant chéri du public, un étonnant raconteur d’histoires dont le nom restera lié aux «Allumettes suédoises», l’un des neuf volumes les plus célèbres du « Roman d’Olivier », cette belle série inspirée de ses premières années de vie de petit orphelin montmartrois.
Pour les lecteurs, il était d’abord un maître du récit d’enfance : un univers où se libéraient son imagination poétique, sa gaîté frondeuse de Parigot ironique et tendre. Univers qu’il explorait encore à 80 ans avec cette même émotion et cette même attachante simplicité dans la narration du quotidien.
C’était un écrivain protéiforme, un de ces autodidactes avides d’explorer les trésors de la langue française et d’apporter sa contribution sous forme d’essais critiques ou de dictionnaires savants. Derrière le masque bonhomme et les volutes de fumée de son éternelle pipe, il y avait l’un des meilleurs connaisseurs de la versification contemporaine, un excellent poète (« Les châteaux de millions d’années », grand prix de poésie de l’Académie française) et l’auteur d’une monumentale « Histoire de la poésie française ». Il y avait aussi l’amateur d’humour noir et d’aphorismes, contempteur féroce de la comédie humaine (« Livre de la déraison souriante »). L’homme des séduisantes et perpétuelles surprises.
Celui qui fut aussi président de la commission de l’aide à la création poétique et théâtrale du Centre national des Lettres devenu Centre national du Livre de 1978 à 1982, manquera aux métamorphoses de notre vie littéraire et au bonheur de notre langue« .